“Vodou”
est originellement un mot de la langue FON.
Il signifie la divinité, les esprits.
« Oun » ou « houn » voudrait dire d’abord le sang et par dérivations :
l’esprit, la divinité. On le retrouve
comme radical dans « hounsi », « hounfort »… Vodoun signifie donc
divinité. On retrouve ce sens dans
certains passages de la prière « dior » et dans quelques anciens cantiques
créoles de la liturgie Vodou par exemple
: « Nou rayi vodou, nou rinmin ouanga »
(Nous n’aimons pas le vodou, nous aimons
sa magie). Dans le parler traditionnel
du peuple haïtien, vodou signifie danse, un rite particulier, par exemple : «
Néguesse Katyé morin, sé néguesse ki konn dansé Vodou » (Les femmes du quartier
Morin dansent bien le vodou).
Des observateurs étrangers suivis d’Haïtiens se sont mis à utiliser le mot « vodou » dans un sens large pour signifier l’ensemble des pratiques et des croyances ayant cours dans le milieu haïtien. Le premier : Moreau de St. Méry, décrivant le rite du serpent, emploie le mot vodou pour englober l’organisation culturelle elle-même. Dans la première moitié du XXème siècle, des écrivains haïtiens se sont mis à utiliser ce terme dans ce sens large de religion du peuple haïtien, de religion locale, indigène. Dans le parler traditionnel haïtien, le terme désignerait l’ensemble de la démarche religieuse. Il faudrait chercher du coté d’autres termes tels que « Guinin » quand on dit : « cé ça ki guinen » (C’est ça le culte Africaniste) c’est-à-dire la pratique héritée des ancêtres. On emploie ce terme pour désigner les comportements, les pratiques que l’on rassemble sous le terme de pratique de la main droite. C’est-à dire sacrée, par opposition à celle de la main gauche où la sorcellerie, la magie agressive, criminelle est impliquée. Dans le vodou, il existe une magie comme dans toute religion. D’ailleurs, remarquons que dans le créole traditionnel du vodou, le terme magie n’indique pas ce qu’il signifie en français. Magie y signifie pouvoir mystique, force surnaturelle. Dans la chanson, « Hougan piti, min maji li anpil » (le prêtre vodou est frêle, mais sa magie puissante) ou bien « gen anpil maji nan kay là », (La maison est bien souchée, bien protégée), ce n’est pas la magie au sens occidental. Donc, il y a le terme guinen et le terme dior. On parle de frère dior, de manger dior.
Dior est un vieux terme africain que l’on emploie dans le contexte de l’accomplissement humain réalisé par l’initiation.
Pour désigner la pratique religieuse, les gens généralement ne s’appellent pas vodouisants. Ils diront qu’ils servent les loas. « Mwen sé sèvitè (Je suis serviteur). Mwen sèvi loa, mistè, guinen, (Je sers les loas… etc). Le terme vodouisant s’est répandu et est adopté par les Haïtiens eux-mêmes. C’est un phénomène récent, auquel les milieux traditionnels ont recours pour désigner leur culte. Mais là encore, il s’emploie surtout dans les contextes où l’on reprend des catégories étrangères, par exemple celui du tourisme, de l’ethnographie ou bien d’une certaine action politique.
Dans
ce cadre précis, l’utilisation du mot vodouisant, est observé dans le cas où
l’on se colle une étiquette pour se contre-distinguer. En fait, on reprend le terme dont les autres
vous affublent. C’est là l’erreur de
cette action politique : s’enfermer dans la problématique sans se rendre compte
qu’on accepte l’image que les autres projettent de vous-mêmes, d’où la
difficulté d’opérer un partage, un tri dans les différentes composantes de
cette image alors que globalement celle-ci est négative.
Car, le vodou est inclus dans toute
cette partie de l’Héritage que les Haïtiens ont du mal à assumer, à valoriser,
à reconnaître. Dès l’origine, nous
décelons dans le comportement haïtien la valorisation de tout ce qui est
composante étrangère au niveau de la culture : mode vestimentaire, alimentaire,
savoir, forme politique, couleur de la peau, traits du visage, type de cheveux…
et la dévalorisation de tout ce qui compose notre héritage physique,
anthropologique, culturel d’origine non européenne. Le vodou à ce titre déjà est dévalorisé.
En Haïti, il n’y a pas que le vodou
comme religion. Il y a plusieurs
pratiques religieuses. On retrouve le
catholicisme dans lequel il faut distinguer les formes du catholicisme colonial
du 17ème et 18ème siècles, français ou espagnol plutôt, qui ont concouru à la
formation du vodou haïtien. Car le vodou
haïtien n’est pas une religion africaine.
Il est une création culturelle du peuple haïtien, que celui-ci a produit
dans les mêmes circonstances, que lui-même se constituait. On parle de syncrétisme ou de juxtaposition
entre le catholicisme et le vodou dans la constitution du vodou haïtien. Mais, il faut aussi distinguer le catholicisme
post-concordataire du 19ème siècle qui, délibérément, a été une religion
importée en Haïti en vertu du concordat de 1860. Il faut également faire la place au
protestantisme représenté en Haïti, par les églises, les sectes reformées parmi
lesquelles il faudrait opérer des distinctions.
Même d’ailleurs au niveau chronologique.
Des communautés telles que les méthodistes par exemple, sont venues
assez tôt. Des cultes reformés se
seraient implantés dès le temps de la colonie.
Finalement, cette invasion de sectes américaines…
Alors, il faut noter la pluralité de ces pratiques religieuses dans le pays et signaler également une forte contradiction entre ces religions chrétiennes et le vodou qui s’inscrit dans ce contexte de dévalorisation, cette schizophrénie culturelle du peuple haïtien. Mais aussi dans une polémique qui s’enracine dans l’intolérance et le fanatisme religieux propres à certaines propagandes chrétiennes et où, traditionnellement, on oppose religion du progrès, religion civilisée, à religion primitive, à magie, sorcellerie, bref, le vrai Dieu, au diable, au démon. Une série de positions de ce genre ont eu cours et se perpétuent.
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