On a
tellement parlé de Bassin Zim. Cadre enchanteur, joyau, oasis de tranquillité,
sanctuaire des premiers habitants de l’île (les Taïnos), espace rituel qui
projette encore les vodouisants vers ce temps mythique où tout était sacré. On
le présente aussi comme un véritable trésor du patrimoine touristique d’Haïti.
Depuis belle lurette, ces images aiguisaient ma curiosité. Comme un
tour-opérateur vantait les charmes de l’eau qui chante dans les quatre bassins
nimbés de mystère, je brûlais de connaître Arc-en-ciel, Puits, Candélabre et
Bassin Zim. Je m’imaginais décrire un plongeon dans la chute qui tombe comme
une nappe de lumière dans le grand bassin. Les courriels envoyés par l’agence
faisaient saliver mon imagination. J’avais ce besoin de faire du tourisme
local, ne serait-ce que pendant une journée du long week-end de la Toussaint
qui approchait. En un mot, j’avais le goût de changer d’air, le goût de Bassin
Zim. J’ai donc décidé, en ce matin du 1er novembre, d’aller voir de plus près
ce que tout le monde qualifie de joyau. Ayant quitté Port-au-Prince vers 9
heures, je suis arrivé à Bassin Zim, situé à huit kilomètres de Hinche, vers
trois heures de l’après-midi. Le tour m’a permis de faire escale dans les
villes de Mirebalais et de Hinche. A Hinche, la ville de Charlemagne Péralte,
je ne m’étais encore rien mis sous la dent, pensant que j’allais me restaurer
dans le cadre enchanteur qui m’attendait. A Bassin Zim, déception. Pas une
seule marchande de friture à l’horizon. A la place de ces marchandes de
restauration rapide, des glacières remplies de bière et de boissons gazeuses.
Dans ce décor d’eau et de verdure, le visiteur n’a qu’à étancher sa soif. A
l’affût du touriste Des enfants s’improvisent guides. Rôdant près du bassin où
nagent des baigneurs, ils guettent le visiteur, courant sur la grève. Trois
gamins viennent s’accrocher à mes bras et commencent à me raconter des tas
d’histoires qui pourraient enrichir le fonds patrimonial de nos conteurs. Je
les ai priés d’aller offrir leurs services à d’autres visiteurs ayant soif
d’accompagnateurs aptes à satisfaire leur curiosité. Et comme je n’ai rencontré
personne ayant un bagage d’informations culturelles et historiques propres à ce
lieu magnifique, je me contentai d’apprécier le site à l’état naturel.
Dépaysement Je me sentais dépaysé parmi ces plantes et ces rochers associés à
l’eau, qui me faisaient penser à l’acte primordial qui a façonné cet espace
proprement édénique. Façonné par des forces géologiques, Bassin Zim reflète le
ciel sur sa surface. Partout où il y a de l’eau, des arbres et des oiseaux, mes
yeux sont charmés et mes oreilles comblées. Devant un tel spectacle, je me dis
que ces lieux ont été dessinés par la nature pour inspirer à l’homme le goût du
mystère et de la beauté. La dimension mythique de cet éden peut être dupliquée
partout sur l’île, en République dominicaine comme en Haïti. A partir du moment
où l’homme projette ce mythe hors de lui-même, il fait acte de création, un
long processus pour se matérialiser dans le réel. Mais si on préfère moisir
dans le chaos, les principes de la création codifiés dans ce désordre ne
surgiront pas à la lumière. Et si on ne consent aucun sacrifice, ces espaces
misérabilistes nous enchaîneront au ras du sol et se multiplieront à l’infini.
C’est le prix à payer pour tout acte de création qui nous porte, au commencement
de tout projet, animé de volonté et de paroles qui se font chair. J’ai cheminé,
pensif, à l’écart des pseudo-guides, gravissant les pentes raides qui
m’offraient de superbes vues sur les quatre bassins. Pourtant, ce qui allait
vraiment m’impressionner, ce sont les grottes. Mon estomac criait famine, comme
celui de la bonne trentaine de visiteurs participant à ce tour. Ainsi, la
visite fut écourtée et je n’ai pu admirer longtemps les fines dentelles de
pierres ornant la voûte de cette cathédrale enfouie dans cette montagne du
Plateau central. Mais quelles forces géologiques ou autres ont donc travaillé
ces pierres ?
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